La mer signe ses oeuvres, marque la trace de sa présence, y compris sur la terre sèche ( mais où est donc la police, on recherche toujours des types aux graffs ) avec ses fossiles présents dans les Alpes de Haute Provence (Musée Promenade de Digne) et donne des idées sur la trace, la signature, les graffiti, la facture, les tags, et le temps... l’eau est l’encre de la vie...

Dans ces traces se trouve une xénographie, reflétant la prise de conscience d’un réseau de contraintes particulières à un milieu (comme ont pu l’être, par exemple, le cunéiforme, l’impressionnisme, le pointillisme, le style nouille, l’action painting, etc., en ajoutant même Hartung et Bellmer.)

De ces traces à cette graphie, se fait écriture ici, et donne une tout autre mine à ce stylo.
Quelle est la marque du stylo? Il a fait des marques et porte une marque plus originale par sa qualité à être remarquée que pour faire des marques en écrivant encore.
Le vertige de l’emboîtement en abîme de contenus et de contenants, comme celui du support et du supporté, devient déroutant, et le tracé se retrouve lié au traceur.


En restant à l’ancre, aux points d’ancrage, en s’enfonçant, elle laisse une trace, et même un sillon qui laboure les fonds au point d’en faire des ancres remarquables par leur soc de charrue, comme cette CQR, elle-même re-marquée, ou comme celle-ci, taggée celle-là, "xeno-caligraphiée", ou encore celle-là, vertement enguirlandée avec les meilleures intentions pour montrer ses formes.
Mouiller l’ancre rappelle que l’encre est une solution dans l’eau, qui permet de faire le point et d’en inscrire la trace dans le livre de bord. L’encre était si soluble dans l’eau qu’en cas de naufrage toute trace disparaissait sur le papier; la trace du crayon gardant meilleure mine fut préférée, à défaut d’encre de seiche indélébile.

En art, comme en sciences, un des ressorts ne serait-il pas de montrer, découvrir, rechercher, décrire, identifier, expérimenter des limites ou des conflits de classe et les paradoxes engendrés par leur ignorance... un rayon contenant tous les livres de la bibliothèque peut-il contenir aussi le catalogue des livres de la bibliothèque? Ou bien, si dans le régiment tous les hommes qui ne se rasent pas eux mêmes doivent être rasés par le barbier qui en fait partie, qui rase le barbier?

En faisant jouer ces ambiguïtés ou ces paradoxes, entre l’immobilité et le mouvement, dans des endroits passagers devenus déserts, Edward Hopper arrive à peindre le silence ou l’absence...

Art de la carte de visite.

Au crayon graphite plus qu’à la fugace encre de Chine, sur la carte qu’il a dressée, Jacques Collina-Girard met en relief le sens donné au relief.

Superficiellement, en apparence, la mer ne garde pas de traces... point de repère ne s’y trouve, et ce fût tout un art, pendant des millénaires, d’arriver à en créer et de s’y retrouver... quant aux fonds cachés, ou à ceux qui s’y cachent, les représentations sont restées encore plus longtemps loin de la réalité... véritable art du virtuel, voici ici une extraordinaire carte au trésor de la baie de Marseille, où figurent de nombreux trésors datés entre la nuit des temps et l’intersidéral, quoique bien des épaves doivent leur gisement définitif à des accidents du relief sournoisement disposés à une certaine époque.
L’art de la carte de visite revisite son installation, la transforme et la transporte.





Intersidéral, les locaux de la Comex et sa piscine d’expérimentation,

Paléolithique, la grotte Cosquer,

Phénicien, grec, romain, le Vieux Port.

XVIIe siècle actuel, l’Hôtel Dieu, les Arsenaux des galères. Mais ce qui nous fait plonger, ce sont ces tombants témoins de la glaciation et des fluctuations du climat et de la tectonique, qui ont changé le niveau de la mer, tableaux où s’affiche le renouvellement de la vie, en une tapisserie merveilleuse de couleur et de diversité.

Là encore, le tombant rocheux, devenu le vivant tableau de l’art parasite sous les couleurs du coralligène, attire le regard avant que les fluctuations de la glaciation, paradoxe dans l’effusion des températures, trouvent un autre sens.

L’évolution et exerce et continue ses petites affaires avec des ajouts surlignant les ruptures que sont ces tombants, couverts d’art parasite.
On peut toujours suivre les chevaux vapeur dévalant l’autoroute d’Aubagne vers Pont de Vivaux, avant de renacler à Borély devant l’obstacle qui les retient aujourd’hui de galoper plus avant dans le canyon de Planier.

Et dans les repères de la beauté, les peintres ont souvent immortalisé des femmes d’autant plus jolies qu’elles leur sourient, et encore, si je suis tout seul en face, je peux me demander à quelle partie de moi elle sourit...

L’art comme (carte de visite) présentoir ou comme socle de la signature? L’art de la carte de visite revisite son installation, la transforme et la transporte.

La fragilité ou la contingence de la marque  liée à la fragilité du support.

En effet, dans l’histoire de l’évolution, la vie commence à se développer dans l’eau, et quelques milliards d’années plus tard, la femme transporte à l’intérieur de son ventre une petite partie des conditions du milieu d’origine, pour que l’oeuf puisse se développer dans un liquide chaud et salé, qui lui assure en plus une certaine apesanteur.

On peut dire aussi que toutes les cellules de l’organisme continuent ce processus, ce qui fait que la vie reste indissolublement liée à l’eau.

En soulevant la peau de la mère, en regardant à l’intérieur de son ventre, comme le fait Dali dans le tableau où Dali enfant soulève la peau de l’eau pour regarder le chien qui dort, il cherche à voir ce qui lui est caché, pour s’en faire une représentation et comprendre mieux des mécanismes qui lui échappent.

On peut ranger près de l’Art Ultra Marin, des photos, en bloc chirurgical, de milieu intérieur, à moins qu’on ne choisisse la leçon d’anatomie de Rembrandt, surchargée Art Ultra Marin.





En ce sens, lafascination pour un champ opératoire ouvert, où apparaissent des organes rouges, ressort aussi de la même fascination artistique que l’Art Ultra Marin.

Où l’Art Ultra Marin dévoile une partie de ses origines, sa filiation, comme bien d’autres (les grafs et autres tags en recherche de paternité, par exemple) avec le parasite en art, une des rares façons d’atteindre, à défaut d’une immortalité inaccessible, un de ses pâles substituts possibles, une toute relative éternité, comme une prolifique descendance, solution alternative plus accessible, en général... aboutissant à une vérité de plus sur la beauté, dans une abolition du temps.

Léonard de Vinci ayant peint l’obscure Mona Lisa se met en place de père de la Joconde, d’amant (demi sourires au coin de la complicité... et de fils unique (ce n’est que tout récemment que le nom d’autre parents a été retrouvé), son rôle principal étant peut être de nous porter son nom,à travers sa signature... absente, le luxe ou la coquetterie ultime : que seule la facture soit attribuée à son nom...

On me reconnaîtra n’avoir pas cette élégance, que ne saurait remplacer la lucidité d’admettre avoir la soupe dans la tête...

La trace des angoisses narcissiques ou des troubles de mémoire de nos ancêtres et de nos contemporains peut se révéler encombrante : pour se faire une place, pour se trouver une place, il y a l’art et la manière... ce que pressentaient déjà les successifs paléolithiques conservateurs du musée de la grotte Cosquer...

Certains ont essayé de faire face à l’air libre à ces problèmes d’installation, et de marquer la mémoire en faisant bâtir une pyramide monumentale posant de pharaoniques problèmes de terrassement, mais en entrant dans le catalogue des Sept Merveilles du Monde, le souvenir était aussi bien conservé (le Phare d’Alexandrie ne vient il pas d’être retrouvé et reconstitué? ).

Et faut il comparer la diffusion du catalogue de la Redoute à celle de la reconnaissance des fortifications militaires de Roubaix ?, ce qui a amené à une solution nomade caractérisée dans le livre, puis allégée par l’électronique jusqu’à digitalisation photonique.



Des autres tentatives monumentales aériennes, celle de l’empereur Qin Shi Huangdi, en débutant en - 213 avant notre ère, la Grande Muraille de Chine, (et entamant simultanément la destruction de tous les livres, traduisant la perception du danger de la concurrence de l’art nomade...) malgré un effort persévérant louable de ses successeurs, et un certain résultat visible de ce monument à la pensée unique, ne conserve qu’une valeur symbolique assez touchante parce qu’humaine, grevée par une pitoyable fragilité, comparée à la Grande Barrière de Corail. Seule la tectonique des plaques serait en mesure de faire disparaître cette trace émergeante la plus visiblement inscrite et durablement ancrée de la vie sur terre et de l’Art Ultra Marin qui joue sur les deux tableaux.



Fait avec du recyclé et recyclable, le catalogue reproduit se reproduit encore, et en intégrant, c’est vital, la reproduction, l’art nomade dépasserait-il en dur abilité, par sa diffusion et la fraicheur de l’impression, la capacité de trace de l’art sédentaire dans une conception épidémiologique rappelant la variole ?

Ici, rappel sur l'ancre, à la représentation bien accrochée au fond, qui se retrouve dans l'art monumental, aérien et sous-marin, imposante présence reposant(e) sur les promenades et les rêveries au centre des ports, mais qui existe aussi dans l'art nomade, multipliée, réduite dans toutes les dimensions du bijou porté, avec ou sans la chaîne, minuscule, dispersé, précieux, jusqu'au graffiti symbolique.

Et la culture, le Musée, quoique remplis d’oeuvres originales, c’est bien un milieu, ce qui influence le développement de la vie autrement que génétiquement. A se faire voir au Musée, le regard de ces galeries d’ancêtres, Balthazar Castiglione ou Olympia, peut varier, interrogation sympathique ou pesante, mais comme celui de toute sa famille, il laisse rarement indifférent ou indemne.

Pour nous faire voir les choses autrement ? Changer d’avis, c’est changer de vie...

On peut se demander si ce n’est pas là aussi une affaire de contenants et de contenus.

Une bonne partie de l’activité culturelle consiste dans la création de contenus associée de près à celle des contenants, supports ultérieurs d’étiquettes et de catégories.

De la même manière que les murs protègent la cité de ce qui se passe à l’intérieur des institutions, déterminant par le contenant, un contenu à l’intérieur, un contenant peut se trouver devenir un contenu dans un contenant plus grand. Il en est de même pour les bouteilles, devenues des contenus dans la mer, et dans lesquelles se développait une collection de coquillages, dont il ne reste que le contenant, leur petite coquille.

La mer peut devenir le contenant de contenants expulsés, eux mêmes devenus contenus, refoulés, et par elle étiquetés, comme dans l’art parasite.

Et cette future archéologie du présent oriente des générations dans la vie, peut-être les modifie et influe, comme les pots sur les poulpes.

Comme dans l’eau il est possible d’aller dans tous les sens, il est facile de s’y perdre, parti dans le flou, ou au delà des vagues, et d’y prendre un chemin de travers...

L’art depuis toujours est ce qui permet de s’y retrouver, baliser, repérer des impressions dans le monde, à tort ou à raison, peu importe, des sensations, des façons de voir, inutiles ou fausses, elles disparaîtront mais depuis les débuts l’art sert de précurseur à la science ou a la raison.

Les hommes ont préféré de tout temps reconnaître des repères même faux plutôt qu’être livrés au monde sans repères du tout, et à risquer de se perdre ainsi plutôt que d’aller seuls dans l’angoisse de l’inconnu.

L’eau supporte la vie.